« Indignons-nous, bloquons tout », tel était le mot d’ordre diffusé depuis plusieurs semaines à travers toute la France.
À l’origine, le mouvement était lancé par des citoyens sur une chaîne Telegram plutôt confidentielle et sur le site « Les essentiels France », un groupe souverainiste dès le mois de mai, puis repris en juillet à la suite des annonces de rigueur budgétaire du Premier ministre démissionnaire François Bayrou.
Un plan d’économies à hauteur de 44 milliards qui touchait principalement les classes moyennes et populaires.
Action citoyenne ou récupération politique ?
L’initiative citoyenne, largement relayée en début d’été par les souverainistes, est diffusée par des milliers d’internautes qui rejoignent le canal de discussion « Indignons-nous » et le mouvement s’amplifie lors de sa reprise par d’anciens « gilets jaunes ».
A partir du mois d’août, les partis de gauche s’emparent du mouvement, sur lequel certains syndicats, CGT en tête, viennent se greffer.
Les revendications portent sur le plan Bayrou qui prévoyait notamment une année blanche pour les investissements, les salaires des fonctionnaires et les retraites, c’est-à-dire aucune augmentation.
Mais le déclencheur aura été l’annonce de la suppression de deux jours fériés et le doublement des franchises médicales, refusés par plus de 8 Français sur 10 d’après les sondages récents.
Blocages et rassemblements dès l’aube
Les premiers blocages ont eu lieu devant les Chantiers de l’Atlantique tôt ce matin. Pneus brûlés, ils étaient une centaine au niveau de la porte 4.
Dès l’aube, plus de 250 manifestants se sont rassemblés au rond-point de Trignac, à l’entrée du boulevard de l’Atlantique (en direction de la gare de St-Nazaire), puis jusqu’à 300 en milieu de matinée.
À 10 h, après avoir envisagé de bloquer le pont de Saint-Nazaire, le cortège s’élance vers la place Pierre Sémard et la passerelle de la gare.
De petits groupes bloquent les accès des rues alentour. Une vingtaine de policiers casqués se positionnent en attente face à La Carène.
« Du pognon il y en a, dans les caisses du patronat » scandent les manifestants.
Les cheminots rencontrés sont remontés, à l’instar de Guillaume Dessables : « C’est dans notre ADN de nous mobiliser pour construire un rapport de force et faire bouger les lignes du gouvernement. »
« Un nouveau nom (ndlr de Premier ministre) a été donné, une nouvelle provocation. En toute franchise, ça ne va pas changer grand-chose. Que ce soit untel ou untel comme ministre, ça ne nous convient pas, la politique qui est menée ne nous convient pas et ne convient pas aux salariés. »
« On manifeste aussi contre le manque d’effectifs, les salariés qui sont sur la ligne entre Donges et Le Croisic, rencontrent des difficultés en nombre de personnel, surcharge de travail et ce qui pointe dangereusement, c’est l’ouverture à la concurrence qui approche par chez nous. Tous les salariés vont être concernés avec perte de statut, perte d’emplois, et conditions de travail déplorables. »
Pour Alain, représentant CGT de La Poste, « on a répondu à l’appel « bloquons tout » du 10 septembre, mais on a aussi nos propres revendications. »
« On est en réorganisation tous les 18 mois, avec des suppressions d’emplois, de mauvaises conditions de travail. On nous a rajouté les imprimés publicitaires, des tâches supplémentaires par rapport à ce que l’on faisait avant. »
Morad, également à la CGT, ajoute : « Les fermetures de bureaux de poste se multiplient, après la fermeture de St-Marc et l’Immacullée, celui de Penhoët est en danger. »
« Sur le bassin nazairien, on est à plus de 50 % de grévistes, certains secteurs sont très mobilisés, comme Savenay, Nantes, Pont-Château. La suite sera décidée en AG avec les collègues mais en tout cas le 18 septembre on sera à nouveau en grève. »
À 11 h, plus de 600 personnes sont rassemblées et les premiers tirs de gaz lacrymogène ont lieu. À midi, un hélicoptère effectue des rotations au-dessus du secteur Gare. Les rues sont dégagées et la circulation reprend en direction de Nantes uniquement.
Le rassemblement nazairien fédère aussi bien des retraités que des familles, des fonctionnaires, et des personnes de tous horizons. Des agents de la ville se joignent au mouvement, tout comme ceux de la SNCF ou de La Poste notamment. Quelques dizaines de lycéens venus de la cité scolaire sont aussi présents.
Tout le monde est ici mais pas pour la même chose.
Les gens rencontrés dans la foule sont unanimes, à l’instar de Jérémy Chateau : « Pour moi c’est simple, il faut qu’il dégage. (ndlr le Président de la République). Je sais bien qu’il y a une dette, mais je veux juste qu’ils prennent l’argent là où il est, un peu comme tout le monde, comme tous ceux qui sont là. »
« Je paye plein d’impôts, et ils en font n’importe quoi. Le nouveau Premier ministre? C’est le même, c’est un sosie. C’était annoncé en même temps. Il faut qu’il l’essaye, c’est sa dernière cartouche. Il faut tout recommencer à zéro, ça serait ma solution. »
Jérémy ne se fait pas d’illusions, « Il ne va pas se passer grand-chose. Ah si, peut-être, ce matin ils parlent de taxer les riches. On veut tous qu’il parte, tout le monde en a marre. »
À la question du risque de l’arrivée du RN au pouvoir en cas de présidentielle anticipée, il répond sans ambiguïté: « moi qui suis de gauche, gauche, gauche, le RN, s’il doit passer, il passera. Et puis on sera dans la rue quand ça ne nous plaira pas. »
« Si les Français veulent du RN, mettez le RN. Il y a le vote qui existe, si ils n’en veulent pas, qu’ils aillent voter, c’est la démocratie et je n’ai pas de problème avec ça. »
L’une des actions initialement prévues pour cette journée consistait à mettre l’économie, notamment les banques, à l’arrêt en évitant de consommer et en privilégiant les paiements en espèces. On verra ce soir au niveau national si ce geste a été symbolique ou puissant.
Un groupe de lycéens en terminale, présent sur la place, manifeste pour la deuxième fois, « On a déjà manifesté l’année dernière », s’exclame l’une des filles du groupe.
Damien pense qu’Emmanuel Macron « cherche à diriger la presse, à diminuer la liberté d’expression. »
Du côté de Marc, les problèmes rencontrés avec la fermeture de l’internat le dimanche soir le préoccupent : « Pour les études, ça handicape les gens qui sont à l’internat, c’est déjà compliqué pour eux vu qu’ils habitent loin, si en plus ils ont des galères pour venir, c’est compliqué. »
Un rassemblement devant la maison des entreprises, esplanade Anna Marly a lieu sous la pluie vers 13 h puis une AG citoyenne devant la mairie à 18 h.